Sarah Maire, STU Promo 2013, chargée d'études à ACADIE et en thèse CIFRE de sociologie
Le Collège Universitaire et le choix du master STU
Entrée à Sciences Po Paris en Bac+0, Sarah Maire a étudié au Collège universitaire en double cursus avec Paris 6 (sciences) avant de passer sa 3A en Californie, à l'université de Santa Cruz. Pendant cette 3ème année à l'étranger, elle a principalement étudié la sociologie urbaine tout en travaillant et en s'impliquant dans diverses associations.
Son choix de master s'est porté tout de suite sur les Stratégies Territoriales et Urbaines, le seul qui la séduisait dans la longue liste de masters offerts à Sciences Po. Cette décision a d'abord été motivée par son envie d'agir dans les quartiers, alors qu'elle-même a grandi en banlieue, à plus d'une heure de transports de Sciences Po. Par ailleurs, le côté social et la sociologie de l'action publique l’ont toujours intéressée plus que les questions purement urbaines et l'aménagement.
Un projet collectif puis un stage avec la Mairie de Paris pendant l'année de M1
Pendant son M1, Sarah effectue son projet collectif sur un plan de lutte contre l'illettrisme chez les jeunes de 16 à 25 ans. Il s'agit d'une commande de la Délégation à la Politique de la Ville et à l'Intégration (DPVI) de la Mairie de Paris. Sarah a trouvé ce travail intéressant mais il lui a aussi fait prendre conscience des faibles marges de manoeuvre , notamment du fait de blocages financiers, administratifs et politiques. Elle réfléchit davantage à son projet professionnel et décide de postuler pour un stage d'un mois non rémunéré pendant l'été 2012, toujours à la DPVI, avec son ancienne tutrice. Ce stage lui permet de découvrir plusieurs thématiques: la jeunesse, l’égalité homme-femme... et surtout le développement économique et l'emploi. Elle comprend alors qu'elle souhaite "rendre les gens acteurs de leur parcours", en insistant sur leur potentiel plutôt que sur leurs points faibles ou les discriminations dont ils sont l'objet. Pour elle l'enjeu est de "fournir des modes d'emploi" à des populations des quartiers ou des minorités qui n'y ont pas forcément accès, tout en travaillant sur le système dans son ensemble plutôt que sur des politiques dérogatoires. Par ailleurs, elle découvre pendant son stage des personnes travaillant dans des cabinets d'études. Elle apprécie leur fonction qui naviguent entre acteurs publics et monde de l’entreprise. Elle observe aussi cette recomposition de l’action publique et la multiplication de ces acteurs hybrides dans le master, où elle étudie la délégation à des acteurs externes (agences, missions de conseil, rapports livrés clé en main à des administrations…).
Le M2 : approfondissement et précision du parcours professionnel
Sarah choisit la plupart de ces cours de M2 en lien avec le social, avec des idées déjà précises et en gardant à l'esprit de ne pas aider que les plus marginaux mais de s'occuper plus généralement de la montée en puissance des politiques publiques. Elle fait alors connaissance avec Philippe Estèbe, professeur en STU qui travaille également à ACADIE. Elle garde un bon contact avec son professeur, ce qui lui permet de faire son stage de fin d’études dans ce cabinet. Elle ne regrette pas cette décision, malgré l'abandon d'une offre concurrente dans un cabinet plus grand, notamment car l'activité d'ACADIE ne se réduit pas au conseil mais s'étend à la recherche et au domaine scientifique.
Le stage de M2 à ACADIE
ACADIE est une coopérative créée vers la fin des années 1970 par des militants et chercheurs qui ont participé à la mise en place de la Politique de la ville. Leur travail s'est ensuite porté sur les thématiques de la métropolisation et du développement du territoire. Sarah est supervisée par deux maîtres de stage, Philippe Estèbe et Martin Vanier, deux figures d’ACADIE qui n'y ont d'ailleurs pas de bureau car très souvent sollicités pour des projets à l’extérieur. La stagiaire se rapproche de la directrice d'études Stéphanie Morel, avec laquelle elle entreprend de nouvelles missions dans le champ de l’éducation et de l’accompagnement de la jeunesse, ce qui lui permet d’être recrutée en fin de stage. Elle est finalement embauchée en CDI à l'issue d’un CDD. A ce moment-là un nouveau projet lui vient en tête : mener une thèse à ACADIE, en parallèle de son travail de chargée d’études.
La thèse en parallèle de son activité à ACADIE
Avant, Sarah ne s’était jamais imaginé faire une thèse, qui apparaissait surtout pour elle comme un exercice long et solitaire. Cependant, en observant le travail de Nicolas Rio, déjà thésard à ACADIE, elle en découvre des aspects plus positifs et enrichissants. Certes, une thèse CIFRE ne peut durer que trois ans (contre 4 ou 5 ans en général pour les sciences sociales), mais elle s'effectue en parallèle du travail de consultant, avec une projection dans la carrière: elle permet d’évoluer progressivement du statut de chargé d'études (qualifiés de "junior" voire de "petite main" peu considérées dans certains cabinets) à celui, à terme, de directeur d'études (avec davantage de marge de manœuvre dans les projets, de management d’équipes et de valorisation sociale). En outre, elle aime l’idée de se faire « agent double » à la fois consultant et praticien qui agit, mais aussi sociologue qui analyse l'action (en respectant le principe de neutralité du chercheur). Sarah décide alors de se lancer: pour sa thèse, elle doit monter un projet de recherche solide et trouver un directeur de thèse ainsi qu'un financement. Elle peut compter déjà sur l’aide et le soutien précieux de sa directrice d’études.Romuald Normand, chercheur à l’Université de Strasbourg rencontré lors d’une mission d’évaluation pour l’Education nationale, accepte de diriger sa thèse, dont le titre complet (et compliqué) est: "Innovations éducatives et nouvelles pratiques managériales d'entreprise: une analyse de la transformation des systèmes organisationnels et de leurs impacts sur les parcours des jeunes générations". Sarah postule alors à un financement CIFRE (Convention Industrielle de Formation Recherche en Entreprise), qui peut être versé aux entreprises au titre de la R&D pour y promouvoir la présence de doctorants. Pour y accéder, il faut être jeune diplômé depuis moins de trois ans, embauché depuis moins d'un an et avoir un projet de thèse convaincant. Sarah obtient ce financement, qui lui permet de couvrir l’ensemble de ses frais de documentations, d’inscriptions diverses, de déplacements…Et lui dégage un mi-temps pour son travail de thèse, tout en conservant le même niveau de rémunération. La thèse CIFRE débute officiellement en septembre 2014 (mais elle y travaillait officieusement depuis presque un an, sur son temps libre). Depuis, elle partage son temps entre chargée d'études chez ACADIE et sa thèse, chaque activité à mi-temps, sans tomber dans la routine. Elle observe que pour beaucoup de thésards, ce qui compte le plus dans la thèse, c'est l'exercice qui permet de se valoriser voire de se distinguer sur un plan académique et de faire carrière dans la recherche, plutôt que la passion pour le sujet en lui-même. Elle a eu la grande chance de pouvoir choisir son sujet, quiconstitue pour elle sa source première de motivation : l’envie d’y découvrir de nouvelles connaissances et de les partager. Ce dernier concerne la "génération Y", l'étude de l’interaction entre les aspirations des jeunes et les nouvelles attentes des entreprises, entre le monde de l’éducation et le monde économique. Elle a encore du temps avant la soutenance, mais finalement, trois ans c'est court. En tout cas, Sarah aime ce qu'elle fait, elle est autonome dans son organisation qui articule thèse et activité professionnelle et elle ne s'ennuie pas !