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Portrait
Louise Thaller - GLM 2015 - une passion pour le développement urbain

Louise Thaller - GLM 2015 - une passion pour le développement urbain

Publié le | Portraits d'anciens

Louise est une jeune alumni (GLM 2015), qui cultive les belles expériences dans le secteur du développement urbain. Ce secteur, elle l’explore sous tous ses aspects : dans un bureau d’études, puis du côté bailleur de fonds, et bientôt au sein d’une ONG. Retour sur un parcours marqué par sa passion pour le développement.

Un intérêt précoce

Le secteur du développement l’intéressait bien avant le master. Elle était ainsi déjà partie en stage au Ghana avec l’Agence Française de Développement (AFD) en troisième année, où elle avait travaillé sur un projet de gestion des déchets dans les bidonvilles d’Accra. Elle réalise aussi son projet collectif avec l’AFD, sur les marchés de l’emploi dans les villes africaines.

L’expérience du monde du conseil

Louise fait son stage de fin d’études à Groupe Huit, bureau d’études spécialisé en développement urbain et municipal, basé à Paris. Elle travaille ainsi sur de nombreux projets en Afrique et en Asie. Ce stage lui permet de mieux comprendre le fonctionnement de la chaîne du développement, les consultants travaillant à la fois avec les bailleurs, et, sur le terrain, avec les contreparties locales et les bénéficiaires. Il lui permet aussi de se rendre compte que “finalement, travailler, ce n’est pas la mer à boire !”. “Quand tu es étudiante, tu as l’impression que tu ne vaux rien parce que tu es baignée dans toute cette ambiance théorique et tu te demandes comment tu vas mettre tout ça en pratique. J’ai été rassurée sur ce point”, explique-t-elle.

Une frustration ? Elle appuie le travail de recherche et d’analyse au siège, mais n’est pas allée sur le terrain. Cette expérience ne lui donne donc pas toute la perspective du travail de consultant : les consultants doivent en effet faire preuve de capacités à extraire nombre d’informations durant les missions de terrain, pour les analyser et restituer de retour au siège.

“Sciences Po te donne des clés pour l’analyse en amont et en aval de la mission. Mais tu n’es pas au cœur du métier de consultant tant que tu ne vas pas sur le terrain.” Être proche des projets et des populations lui paraît essentiel : à l’issue de ce stage, elle a ainsi envie d’une expérience à l’étranger, sur le terrain. Elle est alors acceptée comme volontaire internationale à l’AFD en Centrafrique. Une destination à laquelle elle n’avait pas songé au départ, raconte-t-elle. Des consultants de Groupe Huit revenaient d’une mission à Bangui et l’avaient avertie d’une offre qui s’ouvrait en VIA.

Chargée de projets à Bangui (Centrafrique)

Elle devient ainsi chargée de projets de développement urbain à Bangui. L’agence de l’AFD en Centrafrique a re-ouvert récemment, peu après la crise policio-militaire qui avait secoué le pays. L’effectif du bureau se limite au directeur et au poste de volontaire. Elle a ainsi rapidement des responsabilités importantes. L’agence de Bangui a pour rôle d’être l’interface entre le siège de l’AFD à Paris et les contreparties locales - le gouvernement et les opérateurs. Elle est donc constamment dans le dialogue institutionnel, et interagit avec les hautes autorités, des sociétés parapubliques, des maires, des chefs traditionnels, des ONG, des consultants... La clé : être flexible et polyvalent.

Un enjeu ?

Devoir parfois gérer des thématiques qu’elle maîtrise moins. Etant donné que l’effectif est très réduit, il faut savoir « remplir les gaps » En effet, sur les 9 projets sur lesquels elle a travaillé, la majorité était de développement urbain, mais certains touchaient aussi à la gouvernance locale, aux affaires humanitaires ou encore à la gestion des ressources naturelles - certains projets étaient donc éloignés de ses sujets de prédilection. Elle a ainsi dû travailler sur un projet dans le secteur de la forêt, ce qui implique de dialoguer à la fois avec des scientifiques pointus et le secteur industriel. Il faut alors apprendre à maîtriser rapidement le jargon de chaque acteur, être proactif, et absorber rapidement énormément d’information pour être crédible dans la relation partenariale et pouvoir peser dans le dialogue. Finalement, la formation Sciences Po aide pour cela : nous sommes bien formés à savoir s’approprier rapidement un sujet.

Passer de stagiaire à chargée de projets avec de grandes responsabilités, ça ne fait pas peur ?

“Ce qu’il faut se dire, c’est que si on te recrute, c’est qu’on te fait confiance. Il ne faut pas perdre de temps à douter de ses capacités, mais plutôt les tester, les faire mûrir”, dit Louise. Au début, elle passe bien sûr par une grande phase d’adaptation et d’observation, mais peut ensuite s’affirmer. “En tant que jeune, tu bénéficies aussi d’une forme de tolérance des autres vis-à-vis de toi, mais il faut montrer que tu crois en ce que tu fais et que tu mets l'énergie qu’il faut pour défendre tes idées”. L’avantage des contextes réputés comme difficiles est que les chargés de projets bénéficient d’une marge de manœuvre opérationnelle plus grande. L’Agence a un rôle très important à jouer pour faire avancer les pratiques et innover. Ainsi, il ne faut pas hésiter à essayer, à lancer des idées.

Le paysage de l’aide au développement en Centrafrique est dominé par des hommes, qui plus est des sénior. Cela vaut au moins pour les acteurs institutionnels. Il a donc fallu faire un effort supplémentaire pour se positionner dans le jeu d’acteur en tant que jeune femme. Bien qu’il n’y ait pas spécialement de vision anti-femmes en Centrafrique, la représentativité des femmes dans les fonctions politique ou de cadre est faible, et les interlocuteurs sont plus rassurés par des partenaires avec une forte expérience. Il faut dès le départ démontrer sa volonté et son sérieux, pour construire sa légitimité. “De plus, dans ce travail, il est important de montrer aux différents acteurs avec qui nous travaillons que nous ne sommes pas une menace mais un appui, et construire une relation partenariale dans le temps”, affirme-t-elle. Si parfois, au quotidien, il est difficile de n’être que deux, le fait de travailler au sein d’une grande institution et d’être épaulée par le siège change aussi la donne.

Et par rapport au travail de consultant ?

La continuité institutionnelle est intéressante côté bailleur, indique Louise. Le consultant ne peut en effet pas suivre le résultat de ces actions, de ses contributions : il intervient pour une étude de faisabilité par exemple, puis se retire. Le bailleur, lui, reste dans le pays et construit une relation avec les différents acteurs au fil des projets. Cela permet aussi d’être catalyseur : en Centrafrique, l’AFD a un vrai rôle de moteur, et peut impulser de nouvelles dynamiques. Dans ce métier, il est spécialement important de respecter les autorités et de les accompagner. La dimension politique est très présente. Mais il faut faire attention à ne laisser personne de côté : certaines populations sont délaissées par le pouvoir, et ne sont pas intégrées dans les processus de décision alors qu’elles le devraient.

Louise évoque une certaine désillusion : “tu arrives en étudiant de Sciences Po avec tes superbes idées, tu veux utiliser ton énergie et l’énergie collective pour que les choses avancent dans le bon sens, pour que les projets bénéficient au plus grand nombre, mais tu comprends rapidement que ce secteur est une affaire de compromis tout autant que de philanthropie”. Il faut apprendre à composer avec les agendas politiques, sectoriels, et bureaucrates ; et construire patiemment des consensus afin d’avancer. Ainsi, il faut être en phase avec ses idées, mais aussi trouver des accords et savoir mettre son idéalisme de côté - tout est question d’équilibre.

Du côté professionnel, c’est ainsi une expérience passionnante qui lui permet de vite gagner en expérience, et de se rendre compte que rien n’est infaisable.

Et du côté de la vie personnelle, c’est comment la vie d’expat ?

Louise m’explique que sur le terrain, il y a un fort turnover des jeunes travaillant dans l’aide humanitaire, notamment en Centrafrique. Ainsi, “il est facile de rencontrer des jeunes de ta génération, mais plus dur d’avoir des relations sociales qui se suivent dans le temps. Ce sont donc des rencontres courtes mais formidables : tu as facilement de fortes affinités, parce qu’ils sont là en raison de motivations qui ressemblent aux tiennes, et tu vas partager des aventures humaines très fortes. Mais il faut assumer que ça n’aura qu’un temps”. Le monde des expats est un petit monde à Bangui. Louise conseille de sortir de cette bulle - ce qui peut demander de vrais efforts, mais qu’elle ne regrette pas. Il faut essayer de “vivre un peu localement, mieux comprendre la situation. Si tu vis à l’étranger, a priori, c’est que tu as une appétence pour les autres cultures, il faut donc s’efforcer d’éviter de rester dans sa zone de confort, entre étrangers blancs”. Elle aurait sans doute aussi fourni un travail de moins bonne qualité sans cette connaissance de la culture locale acquise par ses amis centrafricains.

Cependant, il était aussi important pour elle d’être intégrée dans la communauté d’expats parce que “ça bosse autour des bières aussi”, selon son expression.  Certaines difficultés sur des projets peuvent ainsi être résolues de manière inopinée en dehors des heures de travail. La conséquence, c’est qu’il put être difficile de scinder vie privée et vie professionnelle. Il est aussi important de prendre le temps d’apprendre des autres professionnels du milieu, en s’intéressant à leurs expériences.

Vers une nouvelle aventure : chargée de projet en ONG à Haïti

Après un an et demi à Bangui, Louise est de retour en France mais s’apprête à s’envoler pour Haïti, pour suivre un projet de relèvement urbain dans le quartier de Cité Soleil, à Port-au-Prince, au sein d’une ONG. Aujourd'hui, elle a en effet envie d’avoir une plus grande proximité avec les communautés - c’est-à-dire avec ceux qui sont au bout de la chaîne d’aide au développement et doivent en bénéficier. Elle est de plus convaincue que pour travailler un jour en France dans une grande institution comme l’AFD, une expérience de terrain au plus près des populations est nécessaire pour fournir un travail de qualité, apporter des réponses pertinentes aux besoins, et ainsi apporter une plus-value à l’institution.

Cette nouvelle expérience est aussi l’opportunité de connaître un autre continent, d’autres dynamiques urbaines, et d’explorer un mandat très différent de celui de consultant ou de bailleur. Louise envisage son départ à Haïti avec hâte, enthousiasme, et curiosité. Une expérience qui promet aussi d’être très riche !

Quelques conseils aux étudiants et jeunes diplômés de Sciences Po ?

Tout d’abord, il est important de bien choisir son stage, celui-ci pouvant déboucher sur des opportunités professionnelles, directement ou indirectement. Il faut aussi toujours apprendre des autres, “réseauter”, non pas dans une logique opportuniste, mais plutôt pour se nourrir de leurs expériences et conseils.

Par ailleurs, il faut rester attentif à ses convictions. “Je ne dis pas qu’il faut être accroché à ses convictions, car il faut aussi savoir écouter les convictions des autres et être ouvert, mais  tu ne veux pas t’embarquer dans une aventure professionnelle dont les méthodes ou les résultats vont à l’encontre de tes valeurs”. Il faut que notre travail ait un sens pour nous, que nos actions nous paraissent pertinentes. “Si ce que tu fais ne va pas dans le sens que tu escomptes, soit tu fais autrement, soit tu fais autre chose”, résume-t-elle.

Il faut aussi savoir rester humble : “quand on travaille dans le monde du développement et de l’humanitaire, on est mobilisés sur des sujets difficiles, de précarité extrême. On tend ainsi à donner une importance démesurée à notre travail. Il faut savoir faire preuve d’humilité : ce n’est pas parce que tu fais de l'humanitaire auprès de populations très appauvries ou en danger que ce que tu fais est plus important que ce que les autres font !”.

Enfin, un dernier mot : oser !

Le master GLM est un master qui ne ferme aucune porte : selon Louise, il faut en profiter. Pour elle, on a jusque 30 ans pour faire ses expériences et tester tout ce qui nous attire. Il ne faut pas être obsédé par le mot carrière et ne pas avoir peur de vivre une aventure dont on n’a pas toutes les clés en main avant-coup. Aller à l’étranger peut de plus être l’opportunité d’avoir de plus grandes responsabilités qu’au sein d’une structure bien établie en France.

Vous pouvez contacter Louise à cette adresse : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


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