Gisèle Moret-Deysson - STU 2009 - professeure agrégée d’histoire-géo en classe préparatoire
Rencontre avec Gisèle Moret-Deysson, professeure agrégée d’histoire-géographie en classe préparatoire, diplômée du Master STU en 2009.
Qu’as-tu fait avec le master STU ?
Pendant ma première année de STU j’ai fait le projet collectif sur l’étude de la perception de la densification lors de l’enquête publique sur le SDRIF pour la Caisse des Dépôts et Consignations. Je m'en souviens comme d’un projet très prenant. C’était vraiment intense : il y avait des moments où l’on rêvait « SDRIF», c’est dire ! C’était vraiment intéressant à la fois sur le fond mais aussi sur la manière de travailler en groupe ou d’aller faire des entretiens avec différents acteurs.
Le voyage d’étude à Nantes a aussi été un moment important dans mon parcours dans le master. Car c’est là que j’ai pris conscience que je n’avais pas forcément envie de travailler en collectivité. J’ai senti que je ne voulais pas que mon travail puisse être en partie déterminé par un calendrier électoral ou influencé par des enjeux de pouvoir.Je suis en effet arrivée en STU avec cette envie de travailler sur la ville et les territoires mais sans trop savoir de quelle manière et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas et c’est normal.
C’est donc au fur et à mesure de mon parcours dans le master que ça s’est précisé. Et justement pour explorer d’autres voies, je suis allée faire un stage dans une ONG en Amérique latine pendant l’été entre les deux années du master. L’expérience a été très enrichissante : j’ai travaillé sur des projets d’écotourisme dans des communes de la province du Pichincha en Equateur. Mais si j’y appris beaucoup de choses, je ne me suis pas sentie complètement dans mon élément et je ne savais toujours pas quelle voie suivre après le master.
Quel a été ton stage de fin d’études ? Comment l’as-tu trouvé ?
En fin de deuxième année de STU j’ai opté pour un stage dans un laboratoire de recherche en géographie. Comme je l’ai dit juste avant, je voulais explorer un maximum de voies afin de prendre une décision pour l’après-master. J’avais adoré la géographie en prépa et c’est d’ailleurs ce qui m’avait amené au master STU : étant très portée sur la géographie urbaine j’avais souhaité faire en quelque sorte de la « géographie urbaine appliquée ».
J’en ai parlé avec mon professeur de STU sur les « Villes du Sud », Jean-Fabien Steck qui m’a mis en contact avec une professeure de géographie qui cherchait justement quelqu’un pour faire le travail de terrain de son nouveau programme de recherche. Celui-ci portait sur l’analyse de la mixité sociale dans les quartiers gentrifiés à Paris, Londres et San Francisco.
La particularité de cette analyse c’est qu’elle se centrait sur la question des enfants (stratégies scolaires, perception de la mixité sociale et territorialisations des enfants). J’étais chargée de faire tout le travail de terrain aux Batignolles. Le thème était très intéressant et j’ai beaucoup appris sur la recherche, et la façon de mener des entretiens sociologiques.
Le point négatif de cette expérience, c’est que j’ai été la plupart du temps seule, j’ai finalement peu vu les autres chercheurs. La solitude du chercheur était du coup exacerbée parce que je n’avais pas vraiment de structure de rattachement ou de cours à donner qui auraient permis de compenser.
J’ai compris assez vite que si je continuais dans cette voie il fallait que ce soit dans le cadre d’une bourse de thèse, à la fois pour des raisons financières évidentes mais aussi parce que cela m’aurait permis d’avoir un véritable cadre et de ne pas ressentir trop intensément cette solitude qui clairement ne me correspond pas. Or étant passé par un master pro qui plus est hors université, je savais que je n’avais pratiquement aucune de chance d’obtenir une bourse universitaire. Du coup une fois diplômée, j’hésitais encore entre travailler dans le conseil en urbanisme et la géographie.
Que t’a apporté le Master ?
Le master m’a beaucoup apporté. Si c’était à refaire je n’hésiterais pas une seule seconde même si aujourd’hui je ne travaille pas dans ce qu’on peut appeler les débouchés naturels de STU ! J’avais eu l’habitude d’approfondir énormément quelques thèmes en prépa et là j’ai appris à multiplier les champs de savoir (mais avec moins d’approfondissement). C’est une autre façon d’enseigner/apprendre tout aussi intéressante. Pouvoir faire de l’économie, du droit, des maquettes d’archi, des ateliers divers et variés tout ça dans une même semaine c’est vraiment génial (et parfois fatiguant, physiquement parlant !).
Le master m’a aussi appris à travailler en groupe. En prépa, si l’on travaille avec des amis pour réviser etc. on est rarement obligés de travailler en groupe pour un projet commun, à Sciences Po et à STU c’est quasiment tout le temps ! Apprendre à s’organiser autrement, se mettre d’accord, gérer les conflits qui parfois peuvent surgir… tout ça nous prépare à la vie professionnelle.
Autre élément très enrichissant : passer à l’oral devant un public. On y est finalement peu habitué en prépa (les colles sont individuelles) et ce n’était pas du tout mon point fort (un comble pour une future professeure… !). A Sciences Po et en STU c’était devenu habituel et cela m’a beaucoup aidé à vaincre la crainte du public.
Quel est ton métier aujourd’hui ? Comment es-tu arrivée là ? Que fais-tu concrètement ? Est-ce que cela te plait ?
Alors aujourd’hui je suis professeure de géographie en classe prépa. Comment j’y suis arrivée ? Comme je disais, à la fin de STU j’hésitais encore et je ne voulais pas me lancer dans la géo sans avoir une validation universitaire qui me donnerait une légitimité en tant que géographe.
J’ai donc continué dans cette hésitation pendant quelques mois de l’année qui a suivi mon diplôme puisque je cherchais un travail et passais des entretiens pendant que je commençais à préparer l’agrégation de géographie.
Pourquoi l’agrégation ? Pour trois raisons : je n’avais pas envie de refaire un master de géo, j’aime les défis et je pensais qu’une fois l’agrégation en poche je pourrais faire mon année de stage d’enseignement puis de la recherche avec cette fois une bourse et une structure.
J’ai eu l’agrégation, la préparation fut véritablement intense. Mais si la vie quand on passe un concours peut être éprouvante, j’ai malgré tout adoré assimiler autant de connaissances et me dépasser comme j’ai pu le faire. Mais il faut être résistante, endurante et en vouloir pour y arriver. Tout le monde ne sort pas indemne d’une préparation concours et qui plus est d’agrégation.
Une fois agrégée j’ai fait mon stage d’enseignement à Paris. Je me souviens encore de la veille de la rentrée : je n’en menais pas large… Je me souviens également du choc lorsque j’ai entendu pour la première fois mes 5e et 4e m’appeler « Madame Moret ». J’étais partie au départ pour ne faire qu’un an d’enseignement et au final et contre toute attente j’ai adoré être professeure. Mise à part les copies qui sont vraiment le fardeau du prof (d’ailleurs j’en ai quelques-unes qui m’attendent…), c’est un métier qui est très intéressant et enrichissant.
J’ai l’impression de faire quelque chose qui a du sens pour moi, je fais toutes sortes de projets en plus de mon enseignement : sorties et voyages bien sûr mais aussi concours photo, simulations de Nations Unies, courts-métrages… Bref enseigner ce n’est pas juste être devant ces élèves dans une salle.
Ce que je préfère dans l’enseignement c’est le contact avec mes élèves : les accompagner, les voir grandir. J’ai eu la chance d’avoir un poste en section bi-nationale à Paris après mon stage. J’ai enseigné l’histoire-géo en espagnol (section BachiBac) pendant 5 ans au lycée Maurice Ravel et ça a été 5 très belles années pendant lesquelles j’ai pu suivre des élèves pendant leurs trois années de lycée. Les voir arriver si petits en 2nde et les voir partir en Tle vers leurs études et vies professionnelles, les avoir accompagnés et autant que faire se peut les avoir guidés, c’est ça qui fait que j’aime mon métier, et ce en dépit du fait que ce soit un métier finalement peu valorisé dans la société française.
Depuis septembre j’enseigne désormais en classes préparatoires au lycée Montaigne à Bordeaux, c’est une autre expérience, mais tout aussi intéressante ! C’est encore une fois un défi car les relations avec les étudiants ne sont pas les mêmes qu’avec des lycéens, la charge de travail est considérable entre cours, colles et copies mais c’est passionnant.
Dans l’enseignement on peut évoluer et changer, ce n’est pas forcément la ligne droite. Mais il faut bien avoir conscience de plusieurs choses avant de se lancer : il faut aimer le contact avec les élèves, si on veut être professeur seulement parce qu’on aime la discipline, ça peut ne pas marcher. Il faut avant tout aimer transmettre, guider. En ce qui concerne les aspects pratiques du métier de professeur, il faut savoir qu’il y a des contraintes, vous ne choisissez pas votre établissement : vous faites des vœux.
Concernant mes affectations, je n’ai pas un parcours représentatif car je suis passée par la voie des postes spécifiques (section bi-nationale puis prépa), c’est-à-dire que j’ai eu mes postes par dossier. L’immense majorité des professeurs ont des postes en fonction de leurs points et les points correspondent à l’ancienneté et à la situation familiale. Ce qui fait que la plupart des jeunes professeurs débutent dans les zones moins attractives qui demandent peu de points. Il faut bien avoir cela à l’esprit.
Si vous voulez passer par la voie des postes spécifiques, la compétition est rude. Il faut donc mettre toutes vos chances de votre côté : certifications DNL qui permettent d’enseigner votre matière en langue étrangère, projets pédagogiques, formations, publications, inspections, remplacements en prépa, etc.
Bref pour pouvoir évoluer rapidement il faut se donner à fond et ne pas seulement enseigner dans sa salle. Tout cela demande beaucoup de travail et d’investissement, pas forcément reconnu par ceux qui ne connaissent pas de l’intérieur le professorat mais qui sera toujours vu par vos élèves qui savent reconnaître ceux qui se donnent pour eux.